samedi 9 février 2013

II. 1) Le culte de la personnalité dans les démocraties d'Amérique Latine

 

Si le culte de la personnalité n’est pas l’apanage des dictatures, il n’est pas davantage celui de l’Occident. On estime que le premier chef d’Etat d’Amérique Latine de l’Histoire moderne à avoir employé le culte de la personnalité (dans une mesure relativement réduite) fut le général Porfirio Diaz, dictateur du Mexique de 1876 à 1911. Durant la première moitié du XXe siècle, l’Amérique Latine fut dominée par des dictatures militaires, usant dans une certaine mesure d’éléments empruntés au culte de la personnalité stalinien pour glorifier le dirigeant en place. Toutefois, durant la seconde partie du XXe siècle, un certain nombre de dirigeants démocratiquement élus assurèrent une transition à leurs pays respectifs.

Parmi eux, le président Juan Perón, qui gouverna l’Argentine de 1946 à 1955, puis de 1973 à 1974, a marqué les esprits. Il donna son nom à un mouvement politique, le péronisme, qui correspond à une doctrine populiste allant de l’extrême gauche à l’extrême droite. Il donne également son nom aux jeunesses péronistes. De grands portraits de lui sont affichés sur la place de Mai, principale place de Buenos Aires.  Bien plus que sa propre personne, il met en avant son épouse, « Evita » Perón. Celle-ci, bien que n’occupant aucune autre fonction que celle de première dame du pays, figure sur les billets et les pièces de monnaie, donne son nom à des écoles et des orphelinats mais aussi à de nombreux parcs. 


hommage posthume : Cristina Kirchner, présidente d'Argentine, membre du parti justicialiste, rend hommage à la représentante du Peronisme dont le justicialisme est issu. Les billets de 100 pesetas sont créés à l'échelle nationale.



Exemple de glorification : le timbre




Des dizaines de statues sont érigées, glorifiant sa beauté. Elle figure également sur les timbres, ainsi que sur de grands portraits affichés dans la rue. A sa mort en 1952, son cadavre embaumé reste en exposition jusqu’en 1955. Eva Perón, transformée en « sainte de la Nation », soutiendra son mari jusqu’à sa mort prématurée. Juan Perón n’aura de cesse de rappeler l’extrême dévouement d’ « Evita » au peuple argentin. Encore très populaire de nos jours en Argentine, elle a depuis fait l’objet de nombreux films, séries, documentaires.


                  

Bustes présents dans les divers squares et parcs dédiés à la défunte "Evita"

 Hugo Chavez :


Discours de Chavez durant sa campagne électorale, devant un portrait géant de lui même.

Hugo Chavez arrive au pouvoir au Venezuela en 1999. Constamment réélu depuis, il se présente lui-même comme un  « président hors du commun, populaire et populiste ». Se déclarant l’héritier politique du général Simon Bolivar (libérateur vénézuélien de l’Amérique du Sud), le président Chavez fait ériger des centaines de statues à l’effigie de ce dernier (il fait ainsi appel à un procédé évoqué plus haut, à savoir se glorifier de l’héritage spirituel d’une personnalité adulée). D’innombrables peintures murales du dirigeant sont présentes dans les grandes villes du pays, au même titre que des affiches géantes (hors période électorales).


                            
Une pratique courante en Amérique Latine : La peinture murale. Le dirigeant venezuelien en fait usage immodéré, y compris hors du cadre des elections. Soulignons toutefois que l'écrasante majorité des dirigeants d'Amérique Latine font de même . (Pour les populations privées de télévisions et même d'affiches électorales, la peinture est un bon moyen de se familiariser avec l'image du "Presidente".




Affiche électoral non officielle.


Ses citations fameuses sont reprises et affichées sur des banderoles,  son anniversaire donne lieu à des réjouissances dans tout le pays. Enfin, clef de voûte de son culte de la personnalité,  l’émission « Alo Presidente »  consacrée à Chavez est diffusée tous les dimanches. Elle consiste à mettre en scène le chef de l’Etat discutant avec des membres de son parti (députés, ministres, conseillers). Choisissant un sujet quelconque, Chavez disserte durant des heures sur la responsabilité des États-Unis dans diverses crises, ou encore sur le rôle salvateur du socialisme au Venezuela comme partout dans le monde. L’émission, diffusée sur la chaîne d’Etat, peut durer jusqu’à 5 heures, le record étant de 8 heures.

 



Dans les exemples cités comme dans le cas de nombreux pays d’Amérique Latine, nous pouvons parler de « culte de la personnalité ». En effet il s’agit d’une politique de propagande concernant directement ou indirectement la personne du « chef ». Les procédés (télévision, affiches, statues, etc…) sont directement issus des propagandes totalitaristes du XXe siècle. Toutefois, le culte de la personnalité développé dans ce paragraphe se différencie de celui des totalitarismes par son objectif : il n’est pas de pousser les masses à accepter un système sans lutter, mais de les convaincre de maintenir au pouvoir par la réélection le dirigeant concerné ; le cadre du culte n’est plus ici la dictature, mais la démocratie populiste.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire